Boukhara est une ville d’Ouzbékistan, située au centre-sud du pays. Il y a deux hypothèses concernant l’étymologie du mot: Buqaraq du sogdien qui signifierait «lieu fortuné» et Vikhara en sanskrit qui désigne un monastère bouddhiste. Elle est la capitale de la province de Boukhara. Ses habitants sont les Boukhariotes. Elle est située sur le cours inférieur de la rivière Zarafshan, au milieu d’une oasis, à la limite orientale du désert de Kyzil Koum. Elle était reliée par voies caravanières à Merv et aux vallées des fleuves Amou-Daria et Syr-Daria. La ville compte environ 240 000 habitants. Les Boukhariotes sont turcophones de langue ouzbèke, comme dans la majorité du pays, mais il en est aussi de langue tadjike (variante du persan). On compte également une communauté juive, dits juifs boukhariotes, autrefois importante, aujourd’hui presque disparue. La majorité de la population est de religion sunnite avec quelques chiites. Il existe une minorité orthodoxe russe et quelques centaines de catholiques regroupés dans la paroisse Saint-André. Au cœur de la Route de la soie et du royaume perse, Boukhara et Samarkand, protectorats russes depuis le milieu du XIXe siècle, ont été rattachées à la Russie bolchévique en 1920 et à la République socialiste soviétique d’Ouzbékistan sous Staline.
L’oasis de Boukhara, active dès l’antiquité, a très tôt attiré la convoitise de ses États voisins: déjà au VIe siècle av. J.-C., les rois de Perse dont, plus tard, Darius, l’avaient envahie; puis en 329 av. J.-C., après l’invasion de l’Iran par Alexandre le Grand, le territoire de Sogdiane, dont faisait partie Boukhara, devint une possession grecque jusqu’au IIe siècle av. J.-C.. Entre la fin du Ier siècle av. J.-C. et la moitié du IVe siècle, Boukhara fait partie du royaume de Kushan. C’est au début de cette époque que commence à s’établir un commerce avec les pays d’occident et ceux d’orient. Au Ve siècle, Boukhara est intégrée dans l’État des Hephtalites. Boukhara a été occupée en 710 par les troupes arabo-islamiques durant le califat des Omeyyades: le général Qutayba ibn Muslim y établit son autorité sur un prince local. L’héritier du trône de Boukhara, Tougchada, se rallie rapidement à l’islam et règne de 710 à 739. La ville, qui devint un grand centre culturel, faisait alors partie de la province du Khorassan, dont le chef-lieu était Merv. À cette époque, la ville occupait une superficie d’environ 30 à 35 hectares et était entourée d’un rempart avec sept portes d’accès. Les rues étaient orientées selon les points cardinaux et s’organisaient comme un échiquier. Au IXe siècle, la ville devient la capitale de la dynastie persane des Samanides (875-999) et l’aspect de la ville est à nouveau modifié: on observe onze portes d’accès, le «rabad» (faubourg) s’étend autour de la partie intérieure («chakhristan»), la population augmente de manière significative, les professions déterminent le lieu de résidence, de nombreux mausolées et mosquées sont édifiés (dont le mausolée des Samanides). Des savants, poètes, écrivains résidaient à Boukhara au Xe siècle: le grand médecin et philosophe Avicienne (Abu Ali Ibn Sînâ), né à proximité (980-1037), le poète Rudaki et le savant encyclopédiste al-Biruniy (mathématicien, physicien, astronome, historien, etc.), né près de Khiva (973-1048), qui correspondit avec Avicienne. Boukhara est le berceau d’al-Boukhariy (810-870), un important compilateur de hadiths (recueils de paroles attribuées à Makhomed). En 999, la ville fut envahie par les Karakanides. À cette époque, des monuments, encore visibles aujourd’hui, furent édifiés: le minaret d’Arslan-Khana (minaret de Kalian), la mosquée de Magoki-Attari, la mosquée de Namazgokh, le mausolée de Tchachma-Ayoub (la source de Job). De 1102 à 1238, la ville fut gouvernée par la famille cadi des Ali-Burhan. Gengiz Khan s’empare de la ville en 1220. La ville est intégrée à l’empire des Timourides en 1370. La ville perd de son importance politique au profit de Samarkand mais en 1506, la dynastie des Chaybanides s’empare de Boukhara et, dans la seconde moitié du XVI e siècle, Abdulla Khan fit de la ville le centre politique du khanat de Boukhara qui englobait Samarkand, fut l’un des trois khanat ouzbeks issus de la dislocation du khanat de Djaghatai, avec ceux de Khiva et de Kokand. Boukhara tombe sous le régime du protectorat russe en 1868, avant de perdre définitivement son indépendance avec la prise de la ville par l’Armée rouge le 2 septembre en 1920. Boukhara a donné son nom au bourgran, une toile forte utilisée dans la doublure de vêtements, orthographiée boquerant par Marco Polo.
Les cent-quarante monuments protégés par l’UNESCO témoignent de la richesse historique et culturelle de cette ville.
Les monuments:
La citadelle Ark, dans sa configuration globale actuelle, date du XVIe siècle, sous les Chaybanides, mais la première forteresse sur ce site a été construite au VIIe siècle. Les bâtiments visibles aujourd’hui datent des trois derniers siècles. Elle a servi de résidence aux émirs jusque 1920, date de destitution du dernier émir par les forces russes.
La mosquée Bolo Haouz ce qui signifie « près du bassin », (1712) est située sur le Registan, à côté de la citadelle Ark et d’un bassin qui lui a donné son nom. Elle s’ouvre sur un iwan de 12 mètres de haut, au plafond à caissons finement décoré, soutenu par vingt colonnes de bois peint, avec des chapiteaux à muqarnas. Cette mosquée était utilisée régulièrement par l’émir.
La mosquée Magok-i-Attari a été construite sur les vestiges d’un temple zoroastrien. C’est la mosquée la plus ancienne de Boukhara.
Le complexe Po-i-Kalon («piedestal du Très-Haut») est un des hauts-lieux de Boukhara et le principal complexe architectural de la ville. Il comprend la mosquée Kalon (1541), un minaret d’une ancienne mosquée (1127) et la madrassa Mir-i-Arab:
Le minaret Kalon domine la ville à plus de 48 mètres de hauteur. Un minaret se tenait à cet emplacement dès 919. Il fut détruit en 1068. Un minaret en bois le remplaça, bientôt détruit lui aussi quelques années plus tard. L’actuel minaret fut construit en 1127.
La mosquée Kalon est l’une des plus anciennes et des plus vastes d’Asie centrale, avec des dimensions imposantes: 180 x 80 m. Sur cet emplacement, la première mosquée fut édifiée en 795, puis agrandie par Ismail Samani; elle subit deux effondrements, fut incendiée en 1608 et détruite par les Mongols en 1219. La structure visible aujourd’hui a été achevée en 1514, le mikhrab a été embelli en 1514.
La madrasa Mir-i-Arab (1535-1536) va servir de modèle à la plupart des madrasas ultérieures de la ville. La cour carrée intérieure est entourée de deux niveaux de cellules (cent onze au total). La madrasa Mir-i-Arab («bien de l’Arabe ») fut la seule, avec celle de Tachkent, à diffuser un enseignement religieux (sous contrôle) à l’époque soviétique. La madrasa est aujourd’hui encore en activité.
Le complexe Liab-i-Haouz («Au bord du bassin») comprend plusieurs édifices: la madrassa Koukaldach, la madrasa Nadir Divan-Begui, le khanakha Nadir Divan-Begui. Près du bassin se trouve également une statue de Nasriddin Khodja sur son âne:
La madrasa Koukeldach (1568-1569) est la plus grande madrasa de la ville; elle mesure 80 m sur 60 m et comprend 160 cellules sur deux niveaux. Elle fut construite en 1568 par Koulbaba Koukeldach.
La madrasa Nadir Divan-Begui (1622) fut construite par Nadir Divan-Begui. Elle était normalement destinée à servir de caravansérail mais elle changea de fonction lorsque l’émir qui l’inaugurait remercia le ministre en le félicitant pour cette «merveilleuse madrasa». Elle fut donc déclarée «madrassa».
Le Khanakha Nadir Divan-Begui comme la madrasa du même nom, le Khanqah Nadir Divan-Begui (1620) fut également construit par Nadir Divan-Begui. Il comprend une mosquée cruciforme entourée de cellules, ou chambres, sur deux étages.
Le Tchor Minor («quatre minarets») fut construit en 1807, donc tardivement par rapport à la majorité des autres édifices. Ses quatre tours (toutes différentes, couvertes chacune d’un dôme de couleur turquoise) lui donnent l’allure d’une chaise renversée. Les tours n’ont jamais rempli la fonction de minaret. Cette madrasa fut construite par un riche marchand turkmène, Khalif Niyazkoul. L’ensemble fut rénové en 1967 et en 1997.
Le mausolée des Samanides (875-999), ou tombeau d’Ismaïl, a été construit au début du Xe siècle. C’est l’édifice le plus ancien de Boukhara et le premier exemple de mausolée-koubba connu. Il a été découvert en 1934 par Chichkine, un archéologue soviétique, alors qu’il était enfoui sous terre, préservé ainsi de destructions antérieures.
La madrasa d’Ulugh Beg (1417-1420) est l’une des madrassas les plus anciennes d’Asie centrale, avec celles de Samarkand et de Gijdouvan, construites également sous Ulugh Beg.
La madrasa d’Abdoullaziz Khan (1651-1652) n’a pas été achevée du fait du coup d’État destituant le Khan. La niche polygonale du portail est recouverte de stalactites peintes. L’intérieur des deux mosquées, la mosquée d’hiver et la mosquée d’été, est richement décoré.
La nécropole de Tchor Bakr (1560-1563) est située dans le village de Soumitan, à 5 km de Boukhara. Construit par Abdallah Khan, le site comprend principalement deux bâtiments à coupole, une mosquée et un khanakha, reliés par un corps de bâtiment comprenant des cellules. Un minaret, vraisemblablement plus tardif, se dresse dans la cour formée par les bâtiments. Le site tire son nom de l’Imam Sayid Abou Bakr qui fut inhumé à cet endroit à la fin du Xe siècle, comme ses trois frères Fazl, Ahmed et Hamed, tous quatre («Tchor») descendants du prophète. Au cours des siècles, la nécropole a accueilli de nombreuses autres sépultures.
Le mausolée de Bahaouddin Naqshbandi est considéré comme l’endroit le plus sacré de la ville, en réalité à quelques kilomètres de celle-ci. C’est là que fut enterré l’un des fondateurs les plus vénérés de l’islam soufique, Mukhammad Bakhaouddin Nakhchbandiy (1317-1388), fondateur l’une des branches du suffisme Nakchbandiya. Le cœur du site est composé du Mazar (Mausolée) et d’un khanakha construit la même année que la tombe, en 1544. Le site est visité par de nombreux pèlerins musulmans. Certains pèlerins se livrent à des pratiques rituelles autour d’un arbre pétrifié et couché, en en faisant le tour sept fois et en passant dessous, à des fins de guérison ou de fertilité.
Le mausolée Tchachma Ayyoub (source de Job), date du XIIe siècle, sous le règne karakhanide d’Arslan Khan mais fut reconstruit entre 1380-1385 par Tamerlan.
Le Tak-i Sarrafon, la coupole des changeurs, permettait aux marchands venus de différents pays de changer leur argent. Le dôme principal s’appuie sur quatre arcs massifs.
Le Tak-i-Tilpak Furushon, la coupole des chapeliers, fut d’abord un lieu d’échange de livres puis devint le lieu de commerce des chapeaux, foulards et turbans. La structure de cet ensemble, à six faces, est particulière car il se situe à l’intersection de cinq rues.
Le Tak-i Zargaron, la coupole des bijoutiers, se caractérise par un dôme doté de nervures saillantes prononcées, posé sur un tambour octogonal percé de fenêtres. Des petites coupoles sont également disposées sur le toit, signes extérieurs de la structure interne des différentes pièces de cet ensemble.
Le Tim Abdullah Khan, du nom de son fondateur Abdullah Khan II, situé au nord de Tak-i-Tilpak Furushon, a été construit en 1577. Il se présente sous la forme d’un bâtiment carré, avec trois portails donnant sur la rue principale. Il était principalement un lieu de négoce pour les tissus.
Le palais Sitori-i-Mokhi Khossa ce qui signifie «palais comparable à la lune et aux étoiles», est situé à quelques kilomètres de Boukhara. Il servait de résidence d’été aux émirs de Boukhara au XXe siècle, jusqu’en 1920, date de la prise de Boukhara par les Soviétiques.